Il ne fut longtemps qu'une photo, découpée, collée dans un cahier Conquérant. Un geste figé, frappe d'un corner, rutilant maillot vert sur les épaules. Pelé était un joueur en fin de carrière au Cosmos de New York.
Il n'existait pas dans les matches solitaires, dans le jardin. Il n'était pas celui qui marquait entre les deux poteaux de bois, vert Cosmos. Il n'était qu'une image dans un cahier. Platini, Rocheteau, Rummenigge, Amoros, Rossi, Zico et le jeune Maradona. Eux marquaient entre les poteaux vert Cosmos.
Il était le cousin lointain du football. Oh! On savait qu'il était Grand mais il ne jouait plus. Une photo presque jaunie, couleur Brazil 70. Pas de place pour lui dans les jeux, les matches inventés et les buteurs opportuns.
Seul l'oncle J., plus vieux, déjà vieux, n'en démordait pas. Pas de débat entre Pelé "l'artiste" et Maradona "le drogué". Le capitalisme avait dévoré le football et le Pibe avec. Pelé était resté pur.
1958 - 1970? des momentums indépassables du "bon vieux temps", avant l'argent qui pourrit tout. Les temps d'une jeunesse en noir et blanc suivie d'une maturité triomphante, cadenassée dans un romantisme de pacotille. Joga bonito au son des vinyles de Jorge Ben.
Bah! Ça donnait l'occasion d'une discussion enflammée et de faire tourner les verres de Chartreuse. Vert Cosmos, si on n'y ajoutait pas de glaçon.
Puis, la télévision, aidée par internet plus récemment, a permis d'inscrire Pelé dans l'histoire du monde. Le triplé de 1958 en demi-finale contre la France de Kopa et Fontaine, le réflexe de Banks, le grand pont sans ballon, les buts de Brésil-Italie 70. Une mythologie parcimonieuse. Des bribes. Des éclairs fugaces. L'intemporalité érigée en dogme. Pelé, comme Ali : The Greatest.
Le cahier est perdu, le Cosmos n'existe plus vraiment et Pelé est mort hier (29/12/2022).
LE moment ...est passé.